Pique-nique, botanique et mécanique

Camping d'Ayvalik, 12h        

     Comme vous disiez Chloé hier, “Nous attaquons donc les collines dès la sortie de Süsürlük”… Et ça monte bien! Pas autant qu’en Thaïlande, mais les cotes font toutes plusieurs kilomètres…
      Tiens? Ça couine sur mon vélo, ça frotte aussi... La chaîne a percé son tuyau protecteur et appuie sur le patin du frein, ce qui fait du bruit et me ralentit… Je m’arrête. Je dois pousser  pour rejoindre Chloé.
- "Il faut trouver une solution, j’en ai marre, on bricole depuis plusieurs semaines et ça revient au même : ça frotte toujours et faut réparer…
- Ok, mais qu’est qu’on fait maintenant?
- Les ficelles ont lâché et les sert-joints aussi!!!
- Attend je regarde."
      Chloé comprenant beaucoup mieux que moi la mécanique et la débrouille sur un vélo, se rend compte que la chaîne tire sur une petite poulie, qu’il faut détordre son support et remettre des sert-joints, pour aligner la chaîne!!! On fait tout cela et au bout d’une bonne heure d’arrêt, nous reprenons la route. Il est 10h30 et nous n’avons fait que 10km !!!!
      Heureusement, les paysages sont magnifiques, cela me permet de ne pas trop penser au problème du vélo… A l’entame d’une descente, Chloé fonce, et n’entend pas un homme nous siffler et nous saluer. Je lui dis bonjour en roulant mais ne m’arrête pas vu que j’ai déjà perdu de vue Chloé dans les lacets!!! Nous nous retrouvons dans un village, où le goudron a laissé la place à la terre et les voitures aux vaches. Ah non, en voila une qui nous double. Il se gare et sort rapidement de son véhicule pour arrêter Chloé. Cette fois, elle ne peut pas le rater. Il la supplie de descendre du vélo pour boire un “çay” ( prononcé tchaï ) un thé quoi!!! On s’arrête donc. Aussitôt, il hèle le cafetier pour qu’il nous serve nos deux çay pendant que, lui, place deux chaises sur le trottoir. Nazmi parle anglais. C’est rare en Turquie de trouver quelqu’un parlant anglais en dehors des grandes ville, alors là, au milieu des herbages, des vaches et de quelques villageois!!! C’est génial, car il nous présente tous les villageois qui passent et nous fait notre itinéraire de la journée… Il doute que nous rejoignons ce soir Balya, mais nous affirme que 25 km avant nous trouverons un hôtel à Ilica…  Après être passés chez son oncle, pour qu’il nous donne des petites pommes vertes très acides, nous reprenons la route. 1,5 km d’une côte super raide, mais après il paraît que ça sera plat!!!
     Et c’est reparti pour le vélo. En effet, cela monte raide, mais pas très longtemps pour moi. Les sert-joints et les élastiques qui maintenaient ma chaîne explosent sous la puissance de mes coups de pédale!!! Je fulmine. Nous décidons en ultime recours de sacrifier mon frein avant. J’enlève le patin et miracle. Les bruits et les frottements disparaissent!!! Génial, de nouveau je vole dans les ascensions et mon esprit peut enfin se détacher de ce satané vélo!!! J’attend Chloé maintenant d’humeur joyeuse en haut des côtes!!! Tiens d’ailleurs? Qu’est-ce qui peut bien se trémousser comme ça sur la route??? Un serpent nous regarde passer. C’est le premier serpent vivant que nous pouvons approcher d’aussi prêt…

     On traverse un nouveau village, où au miracle! il y a un panneau directionnel. Tout droit qu’il faut aller , comme la carte l’indique. On s’engage sur un chemin de terre. Le paysage s’ouvre à nous… C’est très vert et d’un calme… Cela nous manquait vraiment. D’ailleurs, nous faisons photos sur photos!!! Le chemin descend de nouveau. Chloé fonce devant quand je ressent de l’instabilité sous mes fesses. Ça tangue!!! Et oui au bout de 9 mois et 30 jours, et plus de 8 700 km, nous avons notre première crevaison!!! Et c’est repartit pour la mécanique!!!  Je change la chambre à air, et nous décidons de manger quelques centaine de mètre plus loin dans un champs qui vient d’être fauché. Nous profitons du soleil pour refaire des pique-niques…

     13h30, nous reprenons la route. Nous avons fait à  peine 25 km. Cela nous est plus arrivé depuis la montée de la cordelière des Andes de faire si peu de km en une matinée!!! Au bout de 2 km un bruit incessant et un frottement émerge de ma roue arrière. Quoi encore??? J’en ai marre de cette journée! Pas moyen de faire plus de 10 km sans problèmes sur le vélo. Bon ce n’est rien. Chloé a mal resserré une des vis qui permet de maintenir le garde-boue. Heureusement, j’en ai en rechange et en quelques minutes, c’est réparé…
     Nouveau départ, toujours sur nos chemins de campagne, sauf que maintenant, ni pancarte pour indiquer la route, ni turcs pour nous aider.  D’après la carte, il faut aller à  droite. On s’engage donc sur cette “route” semi goudronné en espérant que c’est la bonne direction. Au bout de 5 km, nous demandons confirmation à des hommes travaillant sur le bas coté de la route. Un vieil homme nous confirme que nous sommes sur la bonne voie.  Ni une ni deux, il nous propose le çay. Difficile de refuser quelques choses à  cet homme d’un âge certain et à la voix qui porte. Un çay! et un çay chez Mehmet! Aussitôt dit, aussitôt fait, juste le temps d’enlever le cambouis de nos mains et le thé est servi. Nous discutons pendant 15 minutes dans le jardin de Mehmet, mais nous ne nous comprenons quasiment jamais.

Il ne parle pas un mot d’anglais et nous, pas un mot de turcs… C’est super chaleureux, mais nous nous comprenons que par geste. C’est limite!!! Ils nous proposent même des œufs… et de nous faire à  manger. Gênés, nous refusons. Mehmet, qui est un homme d’expérience, voit tout de suite le soleil qui brille dans les yeux de Chloé et ne peut s’empêcher de nous emmener dans son jardin et de lui couper des roses et des œillets. Et un bouquet de fleur pour Chloé et un!!! Nous devons partir car il est 16h30 et nous avons parcourus 40 km sur les 85 escomptés!!! C’est reparti…

     Enfin, les ennuis mécaniques sont derrières nous. Nous pouvons rouler sans bruit et sans faire de mécanique. Une mobylette nous double. Des jeunes. Ils me parlent turcs, mais je ne comprends rien!!! Je leur fait signe que je ne les comprends pas. Ils me regardent, klaxonnent fort et partent à  fond de train. L’un deux fait un geste obscène… C’est la première fois en Turquie que nous voyons ce type de réaction!!! Juste pour une incompréhension… Ah les jeunes, c’est pas notre Mehmet qui aurait fait ça!!!

     Allez, plus que 5km… Ce soir nous nous arrêterons à Ilica, il parait qu’il y a un hôtel. Nous stoppons brusquement. Les premières gouttes volent dans le ciel. Nous enfilons nos parkas par précaution. Ce ne sera qu’une fausse alerte. Nous rentrons dans Illica. Mais où sont les hôtels? Nous nous arrêtons au café où nous trouvons toujours des hommes d’âge mûrs entrain de boire un çay. Pas le temps de descendre du vélo qu’on nous proposent déjà le fameux breuvage. Impossible de les refuser. Ils nous confirment qu’un hôtel existe 50 m plus loin. Le prix semble être de 20 euros. Nous nous rapprochons en Turquie des prix européens. Avec le prix d’une nuit d’hôtel ici, nous vivions une journée et demi au moins en Asie ou en Amérique du sud!!!
Une nouvelle fois nous échangeons avec des gestes, des dessins et quelques chiffres. Je lui demande si nous pouvons venir manger ici une heure plus tard, après avoir déposer vélo et bagages à  l’hôtel. Il me dit oui. Malheureusement, à 7h, il ne sera pas là. L’inconvénient de ne pas parler la même langue…

     En tout cas, malgré tous les incidents sur les vélos, les nombreuses incompréhensions, cette journée restera inoubliable pour nous grâce à la chaleur des habitants de tous ces villages et aux paysages vus tout au long de cette journée.